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Matthieu Tordeur, l’aventurier engagé

Dernière mise à jour : 5 nov.

En 2011, le bac en poche, Matthieu Tordeur traverse l’Europe à vélo. Direction Istanbul. A peine rentré, il embarque pour une traversée de l’Atlantique en voilier après avoir postulé sur une « bourse aux équipiers ». Quelques mois plus tard, c’est à bord d’une 4L qu’il parcourt 50 000 km dans 40 pays, à la rencontre de micro-entrepreneurs dont il soutient les activités via des institutions de micro-finance françaises et internationales. Suivront l’Asie Centrale, la Bolivie, le Kurdistan irakien, la Patagonie ou encore le Groenland… 90 pays au total. Rencontre avec Matthieu Tordeur, aventurier engagé. 


© Mathieu Tordeur


Une vie d’aventures au service de la planète 


Ce gout de l’aventure, Matthieu Tordeur le cultive depuis tout petit. « J’ai grandi avec Tintin, ses voyages et ses aventures, et j’ai été scout pendant 10 ans. J’ai beaucoup aimé grandir dans la forêt, proche de la nature : faire des feux, des cabanes dans les arbres… J’ai commencé à partir à l’aventure à vélo, en kayak ou même à pied, d’abord pour découvrir le monde, me mettre à l’épreuve. » Des défis, mais aussi des records : le 13 janvier 2019, il atteint le pôle Sud au terme d’une expédition de 51 jours à ski, en solitaire et sans ravitaillement. Il devient alors le premier Français et le plus jeune au monde à avoir accompli cet exploit. Une expédition transformatrice, qui donne à ses aventures un nouvel élan. « Cette première expérience en Antarctique m’a fait changer de regard. Pour ces 1130 km en autonomie, je m’étais préparé à faire face à des conditions de froid extrêmes. Mais c’est en fait une canicule qui a ralenti ma progression. Dans ce continent connu pour être le plus froid et le sec au monde, des températures de 20° supérieures aux normales saisonnières et des chutes de neige inhabituelles m’ont fait vivre concrètement l’impact des déséquilibres climatiques sur la Terre. A mon retour, je savais qu’il était de ma responsabilité de témoigner. » Témoigner, pour faire passer un message urgent : « Ce qui se passe dans les pôles ne reste pas dans les pôles. Le monde polaire est en première ligne du réchauffement climatique et a un impact direct sur le reste de la planète : la neige et la glace sont des réflecteurs de chaleur, quand elles disparaissent la Terre et l’océan emmagasinent la chaleur et le réchauffement de la planète s’accélère encore un peu plus. Aujourd’hui, la banquise arctique est en voie de disparition et selon les experts, l’océan Arctique devrait être libre de glace d’ici la fin du siècle. Cela semble lointain mais c’est pourtant bien réel, et on ne semble pas aujourd’hui prendre la bonne direction. » 


Témoigner, transmettre, inspirer 


Au service d’une cause, l’aventure devient un formidable vecteur de transmission et d’inspiration.  « Je ne suis ni un scientifique, ni un expert du climat. Je me vois plutôt comme un porte-voix pour parler des sujets qui nous dépassent, pour accrocher les publics par ce qui fait rêver, ce qui émerveille.J’essaye de faire passer des messages par les émotions, pour rendre le public plus réceptif. Ces grands espaces polaires font partie de notre imaginaire collectif, ils exercent une véritable fascination. » Les émouvantes photos, films et documentaires issus de ces expéditions sont de précieux outils de sensibilisation et de pédagogie. Dernier en date : Marin des glaces, la péninsule antarctique, issu de son expédition en voilier en Antarctique en 2023. Il alerte sur les changements rapides et irréversibles qui affectent les pôles, en partageant la magie mais aussi la vulnérabilité de ces paysages. Des images qui parlent aussi aux enfants, citoyens de demain, auprès desquels Matthieu Tordeur intervient régulièrement. Plus de 21 000 enfants ont ainsi été sensibilisés en milieu scolaire. En janvier 2023, ce sont non moins de 16 500 élèves de 28 pays qui ont suivi son expédition en voilier dans la péninsule Antarctique grâce aux contenus pédagogique immersifs sur la biodiversité, la glace, le climat, l’environnement, partagés en temps réels par son équipe. « Je note beaucoup de curiosité, une vraie demande, une envie de trouver des solutions. Les jeunes ont un niveau d’information bien plus important qu’il y a encore 10 ou 20 ans, ils se sentent beaucoup plus « acteurs » sur ces enjeux.  C’est aussi le message que j’essaye de porter : il reste de belles et bonnes choses sur la planète, si on agit on peut encore faire changer les choses. » Mais pour agir efficacement, il faut d’abord savoir et comprendre, et les données et connaissances scientifiques restent essentielles. « L’aventure permet aussi de faire le lien entre les scientifiques qui alertent et qui ne se voient pas toujours accordés l’attention qu’ils méritent, et le grand public qui se sent parfois éloigné de ces discours quelques fois inaccessibles. Les scientifiques ont besoin qu’on les accompagne, qu’on les aide à expliquer ces phénomènes. » Matthieu Tordeur construit désormais toutes ses expéditions avec des scientifiques, notamment la glaciologue Heidi Sevestre avec qui il rentre tout juste d’une expédition au Groenland. 


Repenser les expéditions scientifiques  


Le Groenland, « ce gros glaçon qui mesure quatre fois la taille de la France » est aux avant-postes du réchauffement climatique. « En fondant, il s’écoule dans la mer et fait ainsi augmenter le niveau des océans. On estime que s’il fondait intégralement, le niveau des océans s’élèverait de 7 mètres et menacerait directement nos littoraux. » Pour documenter ce phénomène, Matthieu Tordeur et Heidi Sevestre ont décidé d’utiliser un moyen de transport respectueux de l’environnement qui fonctionne grâce à l’énergie du vent : le kite-ski. « Les expéditions scientifiques font en général peser sur ces écosystèmes déjà fragiles une pression supplémentaire. C’est un paradoxe auquel nous avons essayé de répondre en montrant qu’on peut pratiquer la science différemment, sans équipement mécanique, lourd, polluant et coûteux, en montrant qu’on peut mettre en place des protocoles scientifiques et faire avancer la recherche tout en ayant un impact faible sur la calotte polaire. » Résultat: 1500 km du Sud au Nord dans des conditions extrêmes, en kite-ski dans des endroits difficiles d’accès donc rarement étudiés. « Il s’agissait d’abord de mesurer la pollution de la neige en recueillant du « noir de carbone » qui accélère la fonte des glaces, et d’analyser la densité du manteau neigeux. Nous attendons d’ici quelques jours les résultats de ces prélèvements, qui nous permettront d’avoir des données précises et fiables sur l’état de santé du Groenland. » Au-delà des résultats scientifiques, « pour que cette expédition soit utile, il faut la partager et valoriser ce que nous avons vécu sur place. Nous avons tout filmé avec une caméra 360° et nous travaillons maintenant avec une société de production pour en faire un film en réalité virtuelle. » 

Matthieu Tordeur travaille déjà à l’organisation de prochaines expéditions scientifiques dans le cadre du fonds de dotation « Témoins Polaires », dont il est administrateur, pour continuer de témoigner des dérèglements climatiques. Avec Heidi Sevestre, il intervient régulièrement auprès des décideurs et des dirigeants qui commencent à se saisir de la question. « Nous avons la chance en France d’avoir un Ambassadeur des pôles très actif, Olivier Poivre d’Arvor, qui a lancé en 2023 le One Planet - Polar Summit, le premier sommet international pour les glaciers et les pôles. Mais aussi de plus en plus d’experts influents mobilisés pour faire bouger les lignes et porter la voix de la France dans les pôles. » 

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