Championne d’Europe de sabre et vice-championne du monde par équipe, policière, maître d’armes et coach sportive, entrepreneure engagée… à 28 ans Margaux Rifkiss a un parcours déjà impressionnant, guidé par la quête de sens, la transmission et le partage.
Rencontre avec une athlète déterminée qui a mis le cap sur Los Angeles.
©LP/Icon Sport/Johnny Fidelin
Une carrière d’engagements
Margaux Rifkiss commence l’escrime à 10 ans, à l'école, « complètement par hasard ». Rapidement repérée par un maître d'armes, elle intègre un club du 8e arrondissement de Paris et se met à la compétition. Elle enchaîne alors les échéances locales, régionales, et très vite internationales, européennes et mondiales. En 2023, elle est sacrée championne d’Europe et vice-championne du monde par équipe. En parallèle, elle passe par l'Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance, obtient un bac scientifique et un diplôme de maître d'armes, « pour pouvoir enseigner l’escrime à son tour. » 18 ans d’une carrière riche et dense, avec toujours en tête, regarder devant : « l’escrime est un sport amateur, il reste très compliqué d'en vivre et on ne peut pas du tout envisager de prendre une retraite après : financièrement, c’est impossible. » Margaux Rifkiss a alors pris le temps de mûrir son projet de reconversion. « Je savais que je devais trouver un métier qui présente des similitudes avec cette vie de sportive de haut niveau que j'aime tant : l'appartenance à un groupe, à une équipe, le fait de représenter la France, une institution, de porter l'uniforme comme le survêtement… Le collectif, l'esprit d'équipe, la coopération comptent beaucoup pour moi. Je voulais aussi un métier qui ne me cantonne pas à un bureau : dans une carrière de sportive de haut niveau, la notion de sport, d’activité physique, le dépassement des limites et de soi, est essentielle. Je voulais éviter la routine. Je ne voulais pas que ma vie d'après soit monotone. » Les métiers de la police se sont donc rapidement imposés. « Je voulais mobiliser mes capacités d'adaptation. La police présente de nombreuses possibilités d'évolution et de changement, c’est quelque chose qui m'a beaucoup attiré. Grâce au dispositif de la Mission sport qui adapte notre temps de travail pour nous permettre de continuer à nous entraîner, j'ai passé le concours et je suis devenue policière adjointe. » Une nouvelle mission pour laquelle elle peut mettre à profit les compétences que sa pratique sportive et son quotidien d’athlète de haut niveau lui ont permis de développer. « Mon arme de prédilection, c'est le sabre, l'arme la plus rapide de l'escrime. C’est une spécialité qui exige une capacité à prendre des décisions et à agir très rapidement, et comme tous les sportifs de haut niveau des aptitudes physiques et des capacités de gestion du stress et de gestion de projet. Mais pour moi, la valeur la plus importante, commune au sport de haut niveau et aux métiers de la police, c’est l’engagement, l’investissement, le fait de donner du sens à ce que l’on fait. » Des valeurs qu’elle s’attache au quotidien à incarner et à partager. « Aujourd'hui, en tant que sportive de haut niveau ma mission dans la police est plus de l'ordre de la communication, car on ne peut pas être sur le terrain tant qu’on est en carrière. Contrairement à beaucoup d’autres policiers, on a la possibilité de communiquer sur notre métier, de parler concrètement du quotidien de la police au-delà de ce qui peut être véhiculé par les médias grand public. C’est une façon de contribuer autrement ! »
Transmettre et partager
Désireuse de transmettre, Margaux Rifkiss arpente les clubs sportifs, les maisons de quartiers lors d’initiations, mais aussi, plus récemment et pour la première fois, le milieu carcéral. « C'était à la fois un partage d'expérience, un retour sur mon parcours de sportive de haut niveau et l’occasion de passer des messages sur la résilience, sur la façon de donner sens à nos objectifs ou de gérer l’échec. C’était aussi une pratique « découverte » de ce sport qu’aucun des détenus n’avait encore pratiqué mais sur lequel ils avaient tous certaines idées. C’était très intéressant de pouvoir déconstruire tout cela et de voir comment ils réagissaient. » Mais le rendez-vous qui lui tient le plus à cœur, c’est celui qui la conduit tous les mercredi après-midi auprès des résidents d’un EHPAD de la banlieue parisienne. « Ils sont extrêmement attachants. Ils ont vraiment l’esprit de compétition, ils aiment le challenge, les défis. Et il n’y a pas un mercredi où on ne rit pas ! ». Lancés en septembre 2023 avec la Fédération française d’escrime dans le cadre d’une formation à l’activité sportive adaptée pour les personnes âgées, les cours rencontrent immédiatement beaucoup de succès. Face à une demande croissante à laquelle elle ne peut pas répondre seule, Margaux Rifkiss décide de développer une méthode permettant à d’autres, ailleurs, de prendre le relai. « Il y a de véritables similitudes entre l’activité sportive adaptée et l’entraînement des sportifs de haut niveau, à la fois sur les volets physique et mental, sur la gestion des émotions, du collectif, de l'entraîneur. J’ai voulu utiliser les mécaniques d'entraînement des athlètes pour les mettre au service du bien vieillir plutôt qu’au profit de la performance. » Une démarche en 5 piliers : le physique, avec une activité sportive adaptée pour maintenir les capacités fonctionnelles au maximum ; le cognitif, pour lutter contre les troubles de la mémoire avec des exercices de mémorisation de gestes ou du vocabulaire ; la sociabilisation, par des activités collectives et des exercices en coopération ; le culturel, qui se prête particulièrement bien à l’escrime « on porte le masque, la veste, il y a toutes ces références médiévales, Zorro, les Mousquetaires, ça fait voyager et c’est toujours l’occasion de faire un peu d’histoire » ; et enfin le mental, « car quand on vieillit et qu’on perd en masse musculaire et en mémoire, on perd aussi beaucoup en confiance. Pratiquer l’escrime qui est une discipline olympique, non stigmatisante, permet de regagner en confiance petit à petit. » Résultat : « Au début beaucoup me disent qu’ils n’y arriveront pas, et finalement ils sont très fiers. Lors de ma toute première intervention, à l’issue de la séance, un des résidents m’a confié qu’il n’aurait jamais pensé pouvoir un jour faire de l’escrime. Et que si finalement cela avait été possible, alors tout était possible. Il m’a remercié. Cela m’a énormément touchée. Je crois que c’est ce qui m’a donné vraiment envie de me lancer dans ce projet. »
De Paris à Los Angeles
Si elle n’a finalement pas été sélectionnée pour les Jeux de Paris, elle n’en n’a pas moins profité de cet événement « historique et exceptionnel », tant comme athlète que comme policière. « Je suis allée voir les épreuves, encourager les filles. Je sentais que j’en avais besoin. J’ai aussi pris part aux Jeux sur le stand du ministère de l'Intérieur au Club France où je proposais des initiations à l’escrime ». Mais au-delà des compétitions et des médailles, c’est ce « moment très humain qui nous a tous rapprochés » dont elle se souviendra. « Le sport et les Jeux ont d’abord permis de renforcer le lien entre la police et les citoyens. En tant que policière, j’ai été très touchée par l’accueil que nous avons reçu. » Plus largement « porter les couleurs de la France, être unis derrière des athlètes pour un objectif commun, les médailles, et sentir cette solidarité, ça a fait du bien à la France en général. Ce qu'il faut garder, c'est cet état d'esprit, cette solidarité, cette entraide, cette positivité. » Margaux Rifkiss garde aussi intact son rêve olympique. « Je me suis tout de suite réengagée pour la prochaine olympiade, mon objectif prioritaire aujourd’hui, c’est d’aller à Los Angeles ! ». Mais elle poursuit toujours avec enthousiasme son rôle d’ambassadrice de la police nationale, et continue surtout « à développer ce projet avec les personnes âgées qui permet d’avancer vers une société plus inclusive. »
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