Aujourd’hui, 12,1 millions de Français sont touchés, à des degrés divers, par la crise du logement.¹ Parmi les populations les plus concernées : les étudiants. C’est le premier frein à leurs études, leur santé et leur insertion. À Paris, le loyer moyen atteint les 838 euros, le plus élevé de toute la France.² S’ajoutent à ces difficultés, le manque de lien social et les enjeux de santé mentale qui prennent de plus en plus de place chez les jeunes, enclins à l’isolement. Tout comme les séniors qui connaissent le même sort. Face à l’ampleur de ces phénomènes, des innovations voient le jour et se développent de plus en plus. Parmi elles : l’habitat intergénérationnel.
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Jeunes et séniors : deux générations en manque de lien social
Selon une étude Ifop de janvier 2024, en France, ils sont 62 % des 18-24 ans à se sentir régulièrement seuls et 63 % d’entre eux en souffre.³ Du côté des séniors, en 2021, 1,5 million de personnes âgées de 75 ans et plus étaient socialement isolées. Soit près de 12 % de cette population.⁴ L’isolement social « est un facteur majeur de mauvaise santé physique et mentale et ce, quel que soit l'âge. Même l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis la question des liens sociaux de qualité à l'agenda et a considéré que c'était un problème de santé global. » évoque Aude Caria, psychologue et directrice de Psycom, un organisme national public d'information sur la santé mentale. ⁵ Dans les cas les plus extrêmes, il peut même aller jusqu’à entrainer le suicide. A 75 ans, Raymond, a ainsi été hospitalisé pour une tentative de suicide. Le septuagénaire, particulièrement seul et perdu face à des démarches administratives, s’est senti piégé et a commis ce geste. 3000 suicides par an sont enregistrés dans la classe des 70-75 ans, soit 30 % de l’ensemble des suicides.⁶
Alors, comment expliquer que ces deux populations soient en manque de lien social ? L’un des facteurs : la précarité qui empêche d' « assurer financièrement les moments où l'on peut créer du lien social ». Or, que ce soit les jeunes ou les séniors, ces deux franges de la population sont particulièrement exposées à des problématiques financières qu’elles ont du mal à surmonter.
Favoriser l’habitat intergénérationnel… notamment hors des agglomérations
Briser ce cercle vicieux. D’après l’Observatoire national de la vie étudiante, la France compte 3 millions d’étudiants… seulement 400 000 logements leur sont dédiés. Face à ce constat, l’habitat intergénérationnel est l’une des solutions. D’un côté les jeunes sont souvent en difficulté pour trouver un logement adapté à leur niveau de vie, de l'autre les personnes âgées peuvent, pour certains, avoir des chambres à disposition dans leur logement qu’ils n’utilisent pas. L’idée de l’habitat intergénérationnel a germé et s’est même imposée à travers de la loi Elan, qui prévoit un cadre réglementaire et encourage la pratique. En milieu rural notamment, la colocation intergénérationnelle est une aubaine pour développer la solidarité et favoriser le lien social. « L’enjeu du logement pour les séniors et les jeunes actifs est de plus en plus prégnant. Ces besoins sont croissants avec désormais plus de 11 millions de personnes qui vivent seules et un vieillissement de la population historique. Il s’agit également de répondre au besoin fondamental de recréer du lien entre les habitants, entre les générations, véritable socle de la cohésion sociale et territoriale. Les attentes sont immenses », observe Nicolas Brunet, Directeur général délégué de Maisons Marianne.⁷ Des plateformes facilitent aujourd’hui la mise en relation des futurs colocataires à l’instar de Toitchezmoi ou Xenia et les associations se chargent de faire signer des contrats pour encadrer la démarche. La contribution financière de l’étudiant est souvent minime et peut même aller jusqu’à la gratuité contre des services rendus aux séniors. Chacun y trouve son compte. « Depuis que Maëva habite avec moi, ma maison revit ! Ça a brisé ma solitude. À 86 ans, mes enfants vivant loin, j’avais envie de compagnie. On s’entend très bien, on mange ensemble le soir et le week-end je lui fais découvrir la région, les jardins de Villandry, des brocantes. On va au cinéma, on vient de débuter une série ensemble… Car je trouve qu’elle travaille trop », témoigne Dominique qui partage sa maison au nord de Tours avec Maëva, étudiante. « On forme une bonne association, car on a des passions communes – la botanique, les insectes… Je suis en BUT Sciences de l’environnement et Dominique a été prof de sciences naturelles et documentaliste. À Tours, les prix de location m’étaient inaccessibles, j’aurais dû travailler en parallèle de mes études. Et surtout, j’ai déjà vécu en studio, les soirées d’hiver étaient longues. Là, j’ai quelqu’un à qui parler et Dominique a toute une expérience de vie à partager, elle me donne des conseils… Cette solution est géniale » souligne la jeune fille qui verse 150 euros par mois à la retraitée et s’est engagée à l’aider pour l’administratif et les aspects numériques.⁸ Preuve que ce nouveau type de pratique a le vent en poupe, les politiques d’aménagement des communes commencent à prévoir des quartiers centrés sur l’intergénérationnel. À la Valette sur Var, le projet d’aménagement Anatole France intègre cette dimension. Il prévoit la réhabilitation de l’école maternelle qui sera située à proximité de la résidence autonomie Les Genêts. Ainsi, le maire souhaite que les petits mais aussi les collégiens puissent venir à la rencontre de leurs aînés et apprendre à leurs côtés quelques leçons de vie. Cette première phase du projet devrait être achevée en 2027 et l’ensemble du nouveau quartier en 2029. Aux Sables d'Olonnes, les nouveaux habitants de la résidence intergénérationnelle de 150 logements qui réunira personnes âgées, étudiants ou jeunes adultes ouvrira ses portes en mars 2025 !
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