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La ferme du Rouzé : repenser les solidarités humaines

En 2021, la ville de Willems, à la frontière belge, accueillait une colocation un peu particulière. La ferme du Rouzé se transformait en un lieu de vie et d’habitation inclusif et intergénérationnel. Des personnes en perte d’autonomie ou souffrant de handicap et des jeunes majeurs sortant de l’aide sociale à l’enfance, apprennent désormais à se connaître et vivre ensemble dans ce lieu conçu pour favoriser l'entraide et l'insertion. 


© Freepik


Une alternative de qualité et respectueuse


Quelques années plus tôt, une unité de vie pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer basée dans l’ancienne ferme du Rouzé fermait ses portes. Vincent Huet, directeur du Groupe Economique et Solidaire MIRIAD (Mouvement inter-associatif pour la recherche et l’innovation des acteurs du domicile), réunissait alors le bailleur social Lille Métropole Habitat, la ville, la CAF, le conseil départemental, l’association Les papillons blancs et les organismes de tutelle, pour réfléchir aux besoins de logements pour personnes en perte d’autonomie sur le territoire. Conclusion : « Nous avons identifié environ 70 personnes âgées ou en situation de handicap qui, faute de solutions adaptées, demeuraient dans des choix contraints. »¹ : certaines cohabitent avec des parents ou vivent en établissement médico-social alors qu’elles sont autonomes et souhaiteraient vivre seules, quand d’autres doivent accepter des logements inadaptés ou insalubres. Un constat qui conduit le GES Miriad à accélérer son action pour « offrir à ces bénéficiaires une alternative de qualité qui soit à la fois respectueuse des choix de vie de la personne accompagnée mais également de nature à soutenir la définition puis la mise en œuvre du projet de vie de cette personne. »² À Willems nait alors un projet d’habitat inclusif intergénérationnel porté par le département du Nord et le GES Miriad, qui rassemblent les collectivités locales, le bailleur social, des associations, les organismes tutélaires et les habitants autour de cette expérience unique.


Favoriser le « vivre ensemble » 


Après plusieurs mois de travaux, l’ancien béguinage devient une colocation de douze personnes aux profils très différents, qui partagent un habitat en s’enrichissant les uns des autres. Un environnement qui rassure, qui évite l’isolement et qui permet aux étudiants comme aux séniors de réduire les coûts, qu’il s’agisse des coûts énergétiques ou ceux liés aux services à domicile. La vie du groupe est orchestrée par des référents socio-éducatifs de manière à favoriser les échanges. « En plus de signer leur contrat de location, les nouveaux arrivants s'engagent à adhérer au projet d'habitat partagé. Si on souhaite rester toute la journée dans son appartement, mieux vaut ne pas intégrer ce dispositif. La solidarité et les échanges entre les hommes et les femmes sont le coeur de ce projet. »³ souligne Vincent Huet. En plus des logements de chacun, la ferme du Rouzé dispose d’une laverie sociale, d’un dépôt vente de produits d’épicerie, et… d’une micro-crèche, "la Maison de Louise." Tous les jours, les habitants partagent quelques moments avec une dizaine de jeunes enfants et apprennent à se connaître. Une dimension intergénérationnelle qui est désormais au cœur des projets du GES Miriad : « Il faut repenser les solidarités humaines. On ne peut pas cantonner les personnes âgées entre elles, les personnes handicapées entre elles. » explique Vincent Huet et de poursuivre. « Les parents sont tout à fait conscients de ce qui se joue là et c’est aussi ce qu’ils viennent chercher : c’est une aventure humaine. Ils ne cherchent pas juste un mode de garde, ils veulent que leurs enfants se construisent dans l’altérité, dans le rapport à l’autre. C’est aussi une expérience, un lieu de tolérance et de solidarité ». « C’est à l’image de la vie, il faut que les générations se mixent, évoluent ensemble et apprennent l’une de l’autre. C’est vraiment très fort comme projet » témoigne la mère de Margot, gardée dans l’établissement. Un bel exemple de coopération entre les acteurs locaux, les habitants et le tissu associatif qui prouve que « le "vivre ensemble" n'est pas qu'un concept. » conclut Vincent Huet.


Un projet de territoire


Depuis 2015, le Département du Nord accompagne de nombreux projets d’habitat inclusif. Les résidents bénéficient de logements indépendants au sein d’espaces de vie et de temps collectifs partagés. Il peut s’agir de colocations, comme la Coloc’ de Joséphine à Fresnes-sur-Escaut ; d’habitats regroupés, dans lesquels les habitants vivent dans le même immeuble et partagent des moments collectifs dans des espaces dédiés dans ou à l’extérieur du bâtiment, tel l’HAPA de Valenciennes ou les maisons Ama Vitae ; ou encore d’habitat diffus, où les résidents d’un même quartier se retrouvent pour des moments partagés dans un espace dédié à proximité. C’est le cas dans le Clos de l’étang, à Esquelbcq. Dans le Nord, plus de 350 personnes ont déjà opté pour une solution d’habitat inclusif. Pour faciliter l’accès à ces logements, le département a engagé en 2021 la mise en place d’une « aide à la vie partagée » destinée aux personnes souhaitant vivre dans un habitat inclusif conventionné par le Département. Le dispositif concernait 18 projets profitant à 131 personnes en 2021, et 26 projets pour 216 Nordistes en 2022. À terme, 418 habitants du Nord devraient pouvoir bénéficier de ce dispositif qui s’échelonnera jusqu’à 2029. Conçus pour favoriser l’inclusion sociale des résidents, ces habitations sont situées en centre-ville ou centre village, proche des commerces, services et transports. Des projets structurants pour le territoire et de Département, qui soutenait déjà, 67 projets d’habitat inclusif en novembre 2022.




⁵ibid

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