L’Afrique sous pression face aux Objectifs de Développement Durables
- camilleleveille8
- 20 mars
- 5 min de lecture
Sur les 144 cibles des ODD, seulement 10 pourraient être atteintes d’ici 2030…¹ Alors que les financements restent largement insuffisants, certaines initiatives locales montrent qu'un avenir durable reste envisageable. Mais la route vers un monde plus vertueux est encore longue.

Des objectifs qui semblent hors d’atteinte
ODD 1 : Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde. Sur le continent africain cet objectif semble bien difficile à atteindre. Malgré des progrès dans la réduction de la pauvreté depuis les années 2000, la succession de crises - le Covid-19 en premier lieu - a stoppé ces efforts. En 2022, l’Afrique représentait plus de la moitié des personnes pauvres dans le monde. Si en 2013, 33,3 % des Africains vivaient sous le seuil de pauvreté national, en 2023 cette part atteint les 38 %.² Pour être en accord avec l’Agenda 2063 édicté par l’Union Africaine, ce taux devrait être à 23 % pour 2023.
La lutte contre la faim reste aussi un défi majeur et, là encore, l’Afrique peine à inverser la tendance. En 2022, 281,6 millions d’Africains souffraient de la faim, un chiffre en augmentation de 11 millions par rapport à l’année précédente.
Dans la lutte contre le changement climatique (objectif 13), un certain nombre d'États mettent en place des stratégies de réduction des risques de catastrophes. Depuis 2015, ce nombre est resté inchangé, ils sont 29 sur 54. Le continent est en première ligne des catastrophes naturelles. En 2022, plus de la moitié des pays africains ont subi les effets du changement climatique et 110 millions de personnes ont été directement touchées par les risques liés au climat, aux conditions météorologiques et à l’eau. Bilan : 8,5 milliards de dollars de pertes.³
Pour ce qui est de la gouvernance, des mesures significatives de lutte contre la corruption ont été prises. Mais c’est loin d’être suffisant. En 2020, « les flux financiers illicites élevés, totalisant environ 1 300 milliards de dollars de sorties et 1 100 milliards de dollars d’entrées en 2020, continuent d’entraver le financement de programmes clés et de coûter à l’Afrique environ 88,6 milliards de dollars par an »⁴ note le Groupe de la Banque africaine de développement. Selon l'Indice de perception de la corruption 2023, la plupart des pays africains stagnent ou ne progressent pas dans la lutte contre la corruption. Si le continent essaye de faire entendre sa voix lors des différentes COP organisées chaque année, il est bien difficile pour les dirigeants et la société civile de réussir à trouver des oreilles attentives. « Combien de vies l’Afrique devra-t-elle perdre avant d’être entendue ? » s’est interrogé, indigné, Augustine Njamnshi, cofondateur de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique lors de la dernière COP à Bakou.⁵
Le financement : nerf de la guerre
« Chez nous, de plus en plus de personnes meurent pour un dérèglement climatique dont elles ne sont pas responsables et les pays industrialisés qui en sont à l’origine ne nous portent pas assistance comme ils le devraient. Il est au contraire demandé à des pays pauvres de s’endetter davantage pour financer des programmes d’adaptation. Cela n’est plus acceptable », poursuit le cofondateur de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique.⁶ Pour faire face à ces nombreux défis, des financements pourraient permettre une adaptation plus rapide et des mesures plus efficaces. « Les pays à faibles revenus ont par-dessus tout besoin d’argent pour s’adapter et d’investissements pour garantir l’accès à une énergie bon marché, nécessaire à l’activité économique, aux écoles, ou à des systèmes d’alerte précoce en cas de catastrophes », prône Vijaya Ramachandran, économiste au centre de recherche américain Breakthrough Institute et de poursuivre : « Cette allocation des financements pousse des pays pauvres et faiblement pollueurs à s’endetter pour des projets [de réduction d’émissions] qui ne répondent pas à leurs besoins les plus urgents ».⁷ Alors que l’Afrique compte 9 des 10 pays les plus vulnérables aux changements climatiques, le continent ne capte que 3 à 4 % du financement climatique mondial…⁸ A noter que les pays africains sont responsables de moins de 1% des émissions de gaz à effet de serre au niveau international. L’objectif de financement de l’action climatique a été fixé à 100 milliards de dollars par an. Mais dans les faits, l’aide financière est bien moins importante : en 2020, le total d’apports financiers annuels en faveur de l’Afrique, provenant de sources nationales et étrangères, s’élevait à seulement 29,5 milliards de dollars…
Des propositions concrètes
Concernant la transition énergétique du continent africain, deux écoles s’affrontent. La première considère que le déficit énergétique et le retard économique de la plupart des pays dans le domaine pourraient se transformer en avantage. Plutôt que de passer par la case “énergies fossiles”, les États pourraient directement investir dans les énergies renouvelables et ainsi gagner un temps précieux. D’autres n’y croient pas. Pour eux, le continent ne pourra se développer sans investir dans le gaz et le pétrole. Le Gaïa Energy Impact Fund créé en 2017 a déjà investi dans une quinzaine d'entreprises africaines qui visent à produire de l’énergie pour les activités économiques telles que : la mobilité, le pompage de l’eau, la chaîne du froid ou encore le renforcement des chaînes de production. Frederic Pfister, Managing partner du fonds, plaide alors pour le développement de solutions décentralisées : des mini réseaux locaux. C’est d’ailleurs ce que propose Easy Solar, une entreprise basée en Sierra Leone qui produit des kits fournissant de l'électricité solaire à un coût abordable. Plus d’un million de foyers ont ainsi été touchés par l’initiative au Sierra Leone et au Liberia. Au Kenya, pays qui a connu plusieurs décennies de déforestation, les efforts se concentrent désormais sur la préservation, la régénération et l’expansion de ses écosystèmes forestiers diversifiés. Et ça fonctionne. Le pays a atteint son objectif de 10 % de couvert arboré en 2022 et a donc décidé de revoir ses ambitions à la hausse. L’idée est d’atteindre 30 % d’ici 2050. L’engagement des communautés agissant aux côtés des instances politiques et autorités nationales concourt largement à la réussite du projet. 2 millions de personnes dépendent de la forêt pour vivre et sont donc les principaux bénéficiaires de cette reforestation à grande échelle. Même les enfants sont impliqués dans les efforts. 4800 écoles du pays sont engagées dans le projet notamment dans la mise en place de fermes de semi, permettant aux enfants d’apprendre directement sur le terrain à s’occuper des jeunes plants. Un cercle vertueux qui a été rendu possible grâce à un engagement collectif qui nous rappelle plus que jamais que c’est ensemble que nous ferons bouger les lignes… Le combat pour la justice climatique et la réduction de la pauvreté doit être mondial, solidaire, et immédiat.
²file:///home/chronos/u-59bd3a8da0c7d588bd15b006f32b14791ea290f9/MyFiles/Downloads/exec_summary-asdr_2024_-_fr.pdf
³Ibid
⁴https://www.afdb.org/fr/news-and-events/press-releases/le-nouveau-rapport-sur-le-developpement-durable-en-afrique-montre-lurgence-dun-financement-accru-pour-le-developpement-72781 ⁵https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/11/11/a-la-cop29-l-afrique-exige-de-recevoir-les-moyens-de-s-adapter-au-rechauffement_6387529_3212.html ⁶ibid
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