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Cap sur l’adaptation de la France au changement climatique

L’urgence climatique est là. Si la prise de conscience est à l’oeuvre, il faut agir plus vite. Certains efforts payent, puisque les émissions de gaz à effet de serre de la France baissent plus vite qu’auparavant (- 3,6 % au premier semestre 2024, - 4,8 % sur un an), mais cela n’est pas suffisant par rapport à l'alignement des politiques publiques en place avec l'objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Et les derniers déferlements des évènements climatiques dramatiques que connaissent la France et le monde, témoignent de l’urgence de la situation.


Des chiffres qui en disent long


En France, la forêt absorbe deux fois moins de CO2 qu'il y a dix ans. 7 à 10 % des émissions de gaz à effet de serre sont émis par le secteur de la santé en France. En Europe, nous consommons 2 fois trop de métaux par rapport aux ressources planétaires. D’ici 2040, la production de terres rares devra être multipliée 6 ou 7 pour répondre aux besoins alors que 2,2 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau.

La question mériterait donc d’être posée sous un angle : comment faire évoluer et adapter nos modèles et nos besoins à ce que la planète est en capacité de supporter et non plus l’inverse. Des solutions existent. Savez-vous que consacrer 2 % de la surface marine à la production d’algues permettrait de nourrir toute l’humanité par exemple ?


Donner le cap et s’adapter aux turbulences


Le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) qui sera présenté dans quelques jours doit permettre de planifier les actions dont nous avons besoin pour nous adapter aux climats futurs. La trajectoire actuelle, basée sur les accords de Paris, nous emmène sur une augmentation de 3 degrés au niveau mondial, ce qui signifie 4 degrés pour la France métropolitaine, qui se réchauffe plus vite que la moyenne de la planète. « Voilà donc à quoi nous devons nous préparer. » explique Diane Simiu, directrice du climat, de l’efficacité énergétique et de l’air, DGEC. « Certaines personnes ont réagi très violemment à cette référence de 3 degrés, lorsqu’elle a été annoncée, accusant de ne pas respecter les 2 degrés prévus et de renoncer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Bien entendu, ce n’est pas du tout l’intention de l’État. Les émissions de gaz à effet de serre se sont réduites de 4,8 %, et, si cela continue comme ça chaque année, nous resterons sur la trajectoire pour atteindre l’objectif de réduire de moitié ces émissions pour 2030. » ajoute t-elle. « Il y a certes une baisse des émissions à effet de serre, mais qui est conjoncturelle et pas imputable aux politiques publiques ou aux investissements engagés. » déclare Julie Laernoes, députée de la Loire-Atlantique. Et Diane Simiu de préciser : « Effectivement, la part conjoncturelle est d’environ un tiers, mais les actions menées ont des effets. » Pour autant, ce sera de plus en plus difficile, « car les enjeux budgétaires seront de plus en plus contraignants. Il ne faut pas donner l’impression que rien n’est fait, pour ne pas décourager tous ceux qui font des efforts ou qui voudraient en faire. Par exemple, la qualité de l’air s’améliore en France, même s’il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. » soutient Diane Simiu.

Si les difficultés sont bien là, Julie Laernoes soutient : « je souhaite montrer aussi qu’au sein de l’Assemblée nationale, il y avait une réelle volonté de points de passage. J’ai donc redéposé cette proposition de loi parce que l’urgence est toujours là. J’ajoute que la non-planification énergétique et écologique fait des dégâts très concrets. » Citant alors les trois plans sociaux que connaît son territoire : Systovi, General Electric, Saunier Duval, la députée veut dans cette loi Energie Climat rehausser les objectifs de la politique énergétique nationale pour réduire nos émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 et une interdiction totale de la production d’électricité à partir du charbon sur notre sol à l’horizon 2027. Elle compte sur la responsabilité du bloc central pour faire passer cette loi et appelle à travailler avec le NFP. « Il est important de montrer qu’il faut des objectifs clairs dans la loi pour tenir un cap intangible, afin de ne plus y toucher quand les échéances ou les interdictions arriveront. » clame t-elle et d’ajouter : « De plus, il faut protéger et avoir un tissu industriel qui puisse concrétiser les objectifs qui figurent dans la loi. »


Une approche systémique et les territoires en première ligne


Comment faire pour que toutes les décisions d’investissement, que toutes les politiques publiques, que toutes les modifications soient mises en cohérence avec cette trajectoire de référence d’adaptation au changement climatique ? « Cela ne concerne pas que les décisions de l’État, mais aussi toutes celles de toutes les parties prenantes : les collectivités, les entreprises, les citoyens. Les collectivités sont en première ligne dans ce domaine, et elles ont besoin d’être accompagnées. Il faut bien sûr s’adapter aux enjeux très différents de chaque territoire, et c’est l’objet de la mission Adaptation, qui fédère l’ensemble des grands opérateurs (Ademe, Cerema, Agence de l’eau, BRGM, Météo France…) pour fournir un appui en expertise, en ingénierie aux collectivités territoriales afin de les aider à faire face et à développer leurs propres stratégies d’adaptation. » détaille Diane Simiu.

Tous en sont convaincus, l’adaptation au changement climatique passera par une politique nationale certes mais surtout une déclinaison territoriale. « Cela appelle à un maillage structuré. » souligne Emmanuel Tric, professeur d’Université Côte d’Azur, géophysicien, directeur de l’Institut méditerranéen du risque, de l’environnement et du développement durable (IMREDD) mais aussi une cartographie. Choses que nous n’avons pas. « Ces phénomènes aussi nébuleux que ceux que l’on aborde aujourd’hui vont entraîner des problématiques qui vont demander une approche très transversale, à savoir une organisation très méticuleuse. » Les disparités régionales, locales, appellent à une politique écologique décentralisée qui doit trouver un pilotage au niveau des régions. Le dialogue doit être renforcé entre toutes les parties prenantes dont le monde académique et le monde socio-économique. Un dialogue qui doit s'étendre ensuite par l’échelon national pour pouvoir faire bénéficier des avancées des uns aux autres. « C’est l'acquisition de données et d’informations qui va permettre d'améliorer la compréhension de tous ces phénomènes. Sinon, les développements de chacun resteront à leur échelle et ne vont pas permettre de faire évoluer les moyens d’adaptation à tous ces processus. » précise Emmanuel Tric et d’ajouter : « Toutes ces problématiques sont fondamentales dans les éléments de la vie et sont des approches systémiques. Elles sont très compliquées à appréhender. »

Sur le sujets des régions côtières, la concertation est déjà en marche. « Nous avons créé il y a deux ans le Comité national du trait de côte qui rassemble l'ensemble des acteurs concernés par le sujet : les collectivités locales dont des petites communes, des scientifiques dont des experts du Giec, les services de l'État, des associations, des ONG, et des acteurs socioprofessionnels. C'est donc le lieu idéal pour parler ensemble du sujet de l'érosion côtière et de l'adaptation des territoires littoraux face aux changements climatiques. Nous ne pouvons pas travailler uniquement sur l'érosion côtière, car il est important de prendre en compte l'adaptation globale des particuliers, des acteurs socioprofessionnels et d'une autre façon de vivre sur nos littoraux. Il faut écrire une nouvelle page. » témoigne Sophie Panonacle, députée de la Gironde. Une cartographie des littoraux a été réalisée afin de permettre d'identifier les territoires les plus fragiles, ou sur lesquels il faut intervenir extrêmement rapidement. Météo France met maintenant à disposition des collectivités et des entreprises un ensemble de données à des échelles assez fines des carrés de 8 km sur 8 km. « Ce sont des questions importantes qui appellent des financements conséquents, et donc des amendements, suite aux travaux du CNTC qui furent validés à l'époque par le ministre Béchu, avant d'être coupés dans leur élan en début d'été. Je viens à nouveau de les présenter au ministre de la Mer : ils seront portés dans le cadre de cinq amendements dans ce PLF. La commission a démarré la semaine dernière, et j'ai bon espoir de les faire adopter. »

Une question donc systémique, à laquelle Aurélien Sautière, directeur exécutif de FSC France souscrit lui aussi. « La forêt est un excellent sujet d’analyse systémique parce qu’elle concentre beaucoup de biodiversité et d’enjeux socio-économiques fondamentaux des filières bois pour décarboner la construction dans le bâtiment. Cette logique systémique est absolument fondamentale, et il faut pouvoir prendre en compte toutes ses composantes. Pour cela, une seule solution, s’appuyer sur la science et le dialogue, qui permet de prendre en compte les enjeux concrets. »


Les forêts et l’eau


Les scientifiques nous disent que 90 000 hectares sont plantés ou poussent naturellement chaque année. Pourtant, cette forêt dépérit, et, depuis dix ans deux fois plus. De plus, elle capte deux fois moins de carbone.

La députée Sophie Panonacle a notamment déposé dernièrement une proposition de loi sur l’adaptation de la forêt face au changement climatique. « Il y a un souci avec les coupes rases, sur les parcelles entre 2 et 20 hectares, qui doivent être encadrées. L’interdiction de dessouchage est importante car elle permettra de conserver la richesse des sols. Ce qui nous amène au troisième point, le diagnostic des sols, et les mesures à prendre pour les préserver : il faut surveiller les réserves hydriques. Enfin, le dernier point concerne les petits propriétaires qui n’entretiennent pas leur forêt, et qu’il faudra identifier. » détaille t-elle. Une proposition de loi qui devra être discutée en séance à l’Assemblée nationale mais la mésentente entre le ministère de la Transition écologique et le ministère de l’Agriculture, deux instances intéressées par le sujet ; la difficulté de communication entre les groupements forestiers et les associations de protection des forêts, sans compter le consensus à trouver au sein de l’Hémicycle, annoncent des débats tendus…


Attention à ne pas confondre vitesse et précipitation nous dit Aurélien Sautière. « Il y a urgence oui. Mais il faut faire attention au déplacement des problèmes. En voulant aller vite, on peut penser qu'il serait judicieux de planter des essences du sud qui seront mieux adaptées au nord, dans le futur. Sauf que le présent ne permettra peut-être pas à ces essences de réellement s’adapter sachant que les arbres peuvent avoir une croissance de cinquante, cent, deux cents ans. Nous savons également que, dans une forêt diversifiée, la notion de diversification peut être fondamentale. »

L’eau. Autre élément naturel essentiel à notre survie. Touchées par le stress hydrique, nos sociétés doivent aussi s’adapter « au trop d’eau » autant qu’au « pas assez d’eau » sans compter la qualité de celle-ci. Et là encore « le dialogue territorial est fondamental. C’est en effet au niveau des territoires, à une échelle géographique pertinente (bassins versants), que les décisions doivent être prises en impliquant tous les acteurs concernés. Nous pourrions alors élaborer un plan d’action pour partager l’eau lorsqu’elle n’est pas suffisamment abondante, en commençant par la sobriété, mais aussi en travaillant sur des solutions fondées sur la nature (rétention de l’eau dans les bassins versants, humidité des sols, désimperméabilisation, etc.) ou sur des ressources en eau non conventionnelles (réutilisation des eaux usées par exemple) ou encore sur des solutions de génie civil (transferts d’eau, stockage, etc.) dans le respect des milieux aquatiques. » explique Laurent Roy, président de la section milieux, ressources et risques de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD). Le PNACC disposera lui d’études prospectives pour l'adaptation de la ressource en eau d'ici 2026 et le droit devra être consolidé pour permettre notamment aux autorités locales de s’opposer aux permis de construire dans les zones où il n’y a plus assez d’eau.

Des progrès encore, ont été réalisé notamment pour les pollutions ponctuelles. « Les collectivités ont mis en place des systèmes d’assainissement et d’épuration performants. Les industriels ont considérablement diminué leurs rejets et ont mis en place des traitements ou des dispositifs de recyclage. Dans le Rhône par exemple, les principaux pollueurs (ammoniac, phosphates…) ont énormément diminué et sont de 2 à 10 fois moins présents que dans les années 1990. » souligne Laurent Roy.

En revanche, nous sommes en difficulté face aux pollutions diffusées par des substances toxiques, présentes en quantité, comme les pesticides (produits phytosanitaires ou biocides par exemple). « Ces molécules autorisées sont présentes de manière croissante dans les milieux, tout comme les médicaments et les cosmétiques. La première des actions à mener reste d’éviter les molécules les plus toxiques et trouver des substitutions ou s’en passer quand cela est possible. » ajoute Laurent Roy.


La science au service de l’entreprise


Il y a un enjeu très fort à embarquer les entreprises dans cet objectif, un enjeu de survie et de résilience de notre économie. Les obligations se renforcent pour les grandes entreprises et les plus stratégiques. C’était l’objet de la demande, formulée par Bruno Le Maire et Christophe Béchu en février dernier, à toutes les grandes entreprises des secteurs de l'énergie et des transports, d’établir, d’ici à la fin 2025, une stratégie d’adaptation et une étude de vulnérabilité. « Nous devons développer des capacités, publiques et privées. La capacité à penser local en premier lieu, que les entreprises ont pour beaucoup perdue après des années de mondialisation. Par exemple, le gonflement d’argile (qui concerne 12 millions de foyers !) est fonction de l’hydrologie, de la géologie, ce qui explique qu’il peut se produire dans un village et pas dans celui d'à côté. La prévention et les solutions ne seront pas les mêmes partout. » explique Antoine Denoix, président d’AXA Climate et d’ajouter : « Le réflexe "action-solution", qui accompagne tous les jeunes formés à la data et au digital, est un véritable enfer pour l’écologie. Le vrai sujet, c’est bien comment éviter de déplacer le problème. C’est l’exemple de la climatisation, qui va faire baisser la chaleur chez celui qui l’a installée, mais qui dérange le voisin et la planète en aggravant le problème d’origine. On trouve des déplacements de problème partout sur le territoire, parce que nos dirigeants fonctionnent en priorité souvent, mais ils oublient globalement de traiter l’eau, la biodiversité, l’azote. »

Reste enfin, la coopération. « Avec la réalité physique et l’adaptation, les raisons de coopérer sont évidentes. Notre travail est de montrer les indicateurs 2030 et 2050, et de faire prendre conscience aux entreprises qu’elles doivent partager. Sans compter sur la résilience. Tout le monde en parle, personne ne la mesure. Tout l’enjeu est de faire prendre conscience aux chefs d’entreprise que le coût du risque légitime largement la rentabilité de l’investissement. Mais, pour cela, il faut des entreprises qui sont sur le long terme. » ajoute Antoine Denoix.

Les entreprises font en effet partie de la solution « mais nous ne sommes pas LA solution. » rappelle Philippe Séas, président du Groupement Actibaie. Lui intervient dans le domaine de la protection solaire. « Avant d’en arriver à l’utilisation de la climatisation, il faut s’intéresser aux protections passives, en particulier la protection solaire pour éviter l’effet de serre sur les baies vitrées. La mairie de Poissy a installé des protections solaires motorisées sur une douzaine d’écoles. Des tests physiques ont été effectués en 2022 et ont révélé 10 degrés de moins par rapport à l’extérieur. » témoigne t-il. Un impact climatique, économique mais aussi sanitaire. « En 2022, 7 000 décès ont été déplorés et les urgences ont reçu 20 000 appels en raison de la canicule. La CPM considère que le coût du réchauffement climatique représente environ 45 millions d’euros par an pour épauler les personnes en précarité l’hiver et l’été. » ajoute t-il.


Nous adapter cela signifie, revoir notre rapport à la nature, revoir nos modèles d’urbanisation, notre rapport aux soins et à la santé, à l’utilisation des ressources naturelles, le bois, l’eau, les terres rares… In fine, il s’agit de se poser la question de notre modèle de consommation qui doit quitter le territoire de l’excès et rejoindre la voie de la raison, du pragmatisme et du bon sens. Fixer un cap, et s’y tenir.

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