ODD 15.4 : « D’ici à 2030, assurer la préservation des écosystèmes montagneux, notamment de leur biodiversité, afin de mieux tirer parti de leurs bienfaits essentiels pour le développement durable ».¹ Alors que l’objectif est ambitieux, la réalité est aujourd’hui toute autre : en montagne la biodiversité est en danger. Pourtant un espoir subsiste. Aux quatre coins du globe, des initiatives encourageantes sont mises en œuvre et les résultats sont déjà visibles.
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La biodiversité en danger
Le milieu montagneux, qui couvre 25 % des surfaces terrestres, abrite 85 % des espèces d’amphibiens, d’oiseaux et de mammifères de la planète. Un havre de paix pour toutes ces espèces. Sans oublier que les montagnes fournissent la moitié de l’eau douce consommée par l’Humanité ; que sur les 20 espèces végétales qui fournissent 80 % de la nourriture mondiale, 6 sont originaires et se sont diversifiées dans les montagnes.² Parmi elles : le maïs, les tomates et les pommes. Les Alpes abritent à elles seules, près de 4500 espèces de plantes vasculaires et 500 espèces de champignons.
Mais le changement climatique, la pollution ou encore le sur-tourisme viennent menacer cet équilibre. Le changement climatique est plus rapide en montagne que dans les plaines. + 2°C dans les Alpes contre 1,4°C dans le reste de la France « Tous ces facteurs interagissent. C’est très complexe mais cela amène des changements très importants dans les montagnes. On alerte là-dessus depuis plus de dix ans, mais la prise de conscience commence à peine », souligne l’écologue Dirk Schmeller, directeur de recherche au CNRS.³ Symbole de cette perte de biodiversité, le lagopède alpin, un oiseau qui a besoin du froid pour se reproduire, risque de perdre 90 % de son habitat naturel d’ici 2090… et donc de disparaître. Prenant de plus en plus d’ampleur, le tourisme en montagne entraîne des comportements inadaptés et dangereux pour la biodiversité. « On voit de plus en plus de gens, parfois pas du tout acculturés à la montagne, venir se baigner, certains viennent même parfois avec des paddles sur les lacs de haute montagne. Ces baignades non réglementées amènent dans l’eau de la crème solaire, les produits antipuces ou contre les tiques des chiens, sans qu’on connaisse encore l’ampleur des conséquences de ces pratiques. » regrette Florence Mazier, directrice adjointe du laboratoire Géographie de l’environnement (Géode).⁴ Si les facteurs menaçant la biodiversité en montagne sont plutôt bien identifiés, le milieu montagneux reste peu étudié, les chercheurs manquent de données… Conséquence : l’ampleur de la crise en cours est difficile à connaître et son évolution encore plus compliquée à anticiper. Mais les chercheurs observent déjà des dynamiques inquiétantes : « C’est très difficile de se prononcer sur la situation, mais on constate en général que les effondrements ne sont pas linéaires. Un écosystème est un peu comme un organisme. Un animal ou un humain a une certaine capacité de résilience ; il peut encaisser le stress, jusqu’au moment où il va craquer. C’est pareil pour un écosystème. C’est extrêmement dur à étudier, mais c’est un énorme sujet d’inquiétude dans la communauté de recherche », partage Hugo Sentenac, chercheur et vétérinaire spécialisé dans la santé de la faune sauvage.⁵
Forêts de montagnes menacées en France
Une récente étude dévoile la menace qui pèse sur les forêts de montagnes en France. Le constat est sans appel : parmi les 19 écosystèmes évalués, 10 sont menacés et 6 sont considérés comme “quasi-menacés”. L'Union internationale pour la conservation de la nature, auteur de l’étude explique qu’il sera compliqué de prévoir la trajectoire que prendra la préservation des forêts de montagne dans les prochaines décennies tout en insistant sur leur rôle essentiel au développement de la biodiversité en montagne. En cause ? « Le cocktail de pressions » que les forêts de montagne subissent avec, en tête, le réchauffement climatique qui ne les épargne pas.
Est-il possible de restaurer la biodiversité en montagne ?
Face à ce constat, quelles sont les pistes à explorer ? Est-il même possible de préserver ou restaurer la biodiversité en montagne ? Peut-être. L’Office français de la biodiversité préconise par exemple de recourir à des solutions naturelles comme l’augmentation du couvert forestier pour permettre non seulement de préserver les sols et les cours d’eau mais aussi de se prémunir contre les avalanches, inondations ou glissements de terrain. L’agroforesterie, une technique agricole, favorise la résilience des populations face à des variations climatiques difficiles à prévoir. Au Kirghizistan, sur les sommets du Tianshan, les populations locales ont décidé de prendre leur destin en main. Ces anciens pêcheurs ou chasseurs sont aujourd’hui les gardiens de la biodiversité en montagne. Ils patrouillent et protègent les espèces présentes. Une micro-réserve naturelle de 14 000 hectares dans laquelle le nombre de panthères des neiges et de bouquetins ne cesse d’augmenter. « Qui d’autre que nous aura à cœur de préserver ces lieux d’une beauté unique ? Tous les habitants de la région ont adhéré à ce projet, qui représente un cadeau précieux fait aux futures générations », témoigne Baatyrbek Akmatov, Directeur de la réserve naturelle de Baiboosun.⁶ Ce projet de réserve naturelle s’inscrit dans un programme global visant à restaurer les écosystèmes dans les régions montagneuses du Kirghizistan, de la Serbie, du Rwanda et de l’Ouganda coordonnées par plusieurs instances et organisations onusiennes. En Europe, et plus particulièrement dans les Alpes, la coopération transfrontalière est à l'œuvre pour tenter d'inverser la tendance. Depuis 2015, la salamandre de Lanza fait l’objet de toutes les attentions de la part des agents des parcs naturels et des réserves, des écoles mais aussi des instituts de recherches. Considérée comme une espèce vulnérable, l’objectif est de pouvoir mieux la connaître pour mieux la protéger. Cette première opération de coopération a permis aux agents d’apprendre à travailler main dans la main. Désormais la collaboration doit être consolidée et les bonnes pratiques échangées. « Nos frontières administratives n'ont aucun sens pour la faune et la flore qui s'épanouissent d'un côté comme de l'autre. En coopérant, nous pouvons avoir des résultats beaucoup plus robustes pour appréhender les espèces (éviter le double comptage, par exemple) et monter des programmes de protection plus pertinents avec des moyens humains et financiers plus conséquents », témoigne Pierpaolo Brena, le conservateur de la réserve naturelle nationale de Ristolas - Mont-Viso.⁷ « La création d'un réseau transnational est essentielle pour approfondir la connaissance des espèces, mettre en place des protocoles communs de mesure et de gestion et pour partager les retours d'expérience », conclut quant à lui Sébastien Chauvin, directeur général de Forespir, un groupement forestier transfrontalier pyrénéen qui a coordonné le programme européen Green entre la France, l'Andorre et l'Espagne.⁸
¹Objectifs de développement durable de l’ONU
⁴Ibid
⁵Ibid
⁸Ibid
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